Rencontre chez FOST, avec Thibaut Ruby,  Damien Brunner et Patrick Imbert, pour parler du long métrage: Le Sommet des Dieux.

Interview réalisé par Veronique Dumon pour le compte de la société Toon Boom.

Le Sommet des Dieux sera présenté à Cannes en Sélection Officielle hors compétition.

Le Sommet des Dieux : l’ascension réussie de FOST

La fabrication du long métrage Le Sommet des Dieux, réalisée en partie par le Studio FOST et produit par Folivari, Julianne Films et Mélusine Productions avec le soutien de France 3 Cinéma et Canal+, s’est terminée le 1er juillet. Juste à temps pour être projeté , le 10 juillet en avant-première mondiale au Cinéma de la plage du Festival de Cannes, en Sélection Officielle hors compétition.

Adapté des 5 tomes du manga de Jirô Taniguchi, Prix du dessin lors du Festival de la Bande Dessinée d’Angoulême en 2005, ce long métrage à l’atmosphère envoutante suit jusque sur le « Toit du monde » des hommes en quête de la performance ultime. Et un journaliste prêt à tout pour un scoop qui pourrait changer à jamais l’histoire de l’alpinisme.

Mais l’autre aventure de ce film au réalisme stylisé et ambitieux, fût de commencer l’animation au moment où débutait en France le premier confinement dû à la pandémie de la Covid19. Et de mener à bien sa fabrication délicate avec une équipe dispersée. Nouvelle preuve de la capacité d’adaptation de l’animation française et du savoir faire de FOST, créé en 2018 par Thibaut Ruby et Damien Brunner, à qui l’on doit déjà Le Peuple Loup produit par Cartoon Saloon, Samsam produit par Folivari… Et qui prépare son développement avec une nouvelle implantation à Angoulême en décembre prochain.

Rencontre à Paris avec ses fondateurs, auxquels s’est joint, un court moment, Patrick Imbert, le co-auteur du film avec Magali Pouzol et Jean-Charles Ostorero, et son réalisateur, à quelques courtes semaines de la livraison du film.

Vous travaillez sur ce projet très ambitieux depuis 2015. Et la veille du jour où l’animation devait commencer, le 17 mars 2020, tombe l’annonce d’un confinement total…

Thibaut Ruby : Sur la partie animation nous avions réuni une quarantaine d’animateur.ices et une trentaine d’assistant.es au total, entre Paris, le Luxembourg et Valence qui était effectivement prête à démarrer.

Damien Bruner : Et qui a été très fortement perturbée par la covid ! Pratiquement toute la partie animation été faite en confinement, c’est d’ailleurs effectivement l’autre histoire du film. Commencer l’animation d’un film le 17 mars, alors qu’à 12h, la France entre en confinement total. Pour le making of, nous avons tourné des images sur lesquelles on voit un studio vide, avec en fond sonore, les infos de France Info, France inter, le discours présidentiel… On a eu à peine 48h pour s’organiser et mettre les équipes en télétravail.

TR : C’était même pire que ça parce que en fait, nous venions de démarrer l’animation. Et il a fallu que l’on redémarre dans la foulée une deuxième fois à distance.

Après avoir fait un transfert de matériel ?

DB : Oui, bien sûr, transporter les machines pour ceux qui n’avaient pas de matériel chez eux. Et là, Toon Boom a eu un geste très sympathique et proposant de doubler nos licences

TR : Pour que justement les gens puissent activer des licences chez eux sans que l’on déconnecte celles du studio. Ce qui leur a permis, au fil de la fabrication, de faire des allers retours d’un site à l’autre. Toon Boom a effectivement été très réactif en mettant tout de suite en place ce système de double licence.

DB : C’était une situation tellement incroyable ! On ne voulait vraiment personne au bureau au début pour ne prendre aucun risque et forcément, dans le stress, certain.es avaient oublié de désactiver leur licence avant de partir. Le geste de l’équipe de Toon Boom était vraiment le très bienvenu. Mais de manière général, nous avons de très bonnes relations avec Toon Boom.

Comment s’est passé, dans cette configuration, le processus de fabrication ?

TR : Un processus de fabrication dans l’animation, c’est quelque chose de toute façon d’assez lourd, reparti entre un nombre parfois important de personnes. On essaye donc au maximum de mettre en place une autonomie des collaborateur.ices.

Mais dans le cas du Sommet des Dieux, qui est un film particulièrement exigeant, sur lequel nous n’avons pas forcément eu le temps de préproduction qu’on aurait souhaité, l’équipe avait beaucoup plus besoin que d’habitude d’avoir un contact direct avec le réalisateur en particulier, et les chefs de postes.

Patrick Imbert : Travailler entièrement à distance, c’est dur. Tout le monde est équipé, matériellement ce n’est pas un problème. Et on ne se rend pas compte tout de suite de ce qui ne fonctionne pas, c’est seulement au résultat.

Il y a beaucoup de déperdition ?

PI : Une grosse déperdition d’information. Même si chacun est devant son ordinateur dans un studio, c’est quand même un travail d’équipe et on a besoin de communiquer, mimer beaucoup.
Dessiner s’il le faut, mais déjà se mimer la scène. Et on ne pouvait pas le faire. Par Skype par exemple, ça ne marche pas très bien.

TR : Les choses se sont quand même mises en place, bien sûr, mais c’est là que l’on se rend vraiment compte que la règle des 80/20 que j’aime bien citer, est une règle absolue. Les 20 derniers % du travail représentent 80 % des efforts. C’est peut-être même les 10 derniers %, pendant lesquels le fait de ne pas pouvoir se voir, même ponctuellement, impacte vraiment l’équipe.

Sur combien de sites le film a-t-il été fabriqué ?

PF : Je regrette un peu de ne pas avoir été plus intransigeant sur l’idée d’avoir une image plus brute… J’aime bien ce côté bricolage. Ce mélange de techniques apporte une grande richesse, une espèce de porosité de la perception.

Mais il reste encore le compositing qui est une phase où l’on peut s’amuser avec tout ça. J’adore cette partie.

Où en êtes-vous aujourd’hui du processus de fabrication ?

TR : A Paris chez Fost, au Luxembourg, par Mélusine Productions, la société de Stephan Roelants, et son studio 352. A Valence aussi, chez Les Astronautes (NDLR : la société de production et de distribution pour le cinéma, la télévision et les nouveaux médias fondée par Jean Bouthors, Vanessa Buttin-Labarthe et Rémy Schaepman) qui eux se sont occupés d’assistanat, de toute la colorisation de l’animation et du compositing qui est en cours.

Le travail du son s’est fait en parallèle ?

TR : Un peu comme on l’avait fait sur Le Peuple loup de Tomm Moore, pour lequel toute la post-production a été faite avec les réalisateurs qui étaient en Irlande en confinement. Pour pouvoir livrer le film à temps, on est en train de finir l’image en même temps que la musique se termine, que le son est déjà en cours et que le montage n’est pas encore 100% définitif. c’est un bel exercice de coordination !

DB : Nous travaillons avec Piste Rouge Paris (NDLR : Studio de post-production sonore créé par Bruno Seznec), et le musicien Amine Bouhafa (NDLR : compositeur franco-tunisien, notamment récompensé en 2015 par le César de la meilleure musique originale pour Timbuktu d’Abderrahmane Sissako) qui compose la musique du film dans son studio à Levallois. Et c’est vraiment prometteur.

Le son a une dimension particulièrement importante dans ce film qui se passe, la plupart du temps, dans un environnement extrême.

DB : Même si ça peut sembler un peu banal de dire que le son a une importance fondamentale pour un film d’animation, c’est vraiment particulièrement le cas ici.

Dans l’univers dans lequel les personnages évoluent, il y a à la fois le bruit et le silence et il faut justement jouer sur ces différents éléments pour trouver le bon équilibre entre l’action et les émotions. Il y a des scènes à très hautes altitudes où, même si les images sont magnifiques et que la mise en scène est vraiment réussie, les personnages ne peuvent pas se parler et se regardent avec un masque sur les yeux. Le son, grâce au travail des équipes de Piste Rouge, notamment d’Axel Steichen le soundesigner, va permettre de raconter beaucoup de choses dans ces séquences-là.

Mais pour en revenir à l’image, pourquoi avoir choisi Harmony pour travailler sur ce film ?

PI : Parce qu’il permet une finesse de travail dans le trait qui se rapproche beaucoup de ce qu’aime faire un dessinateur, du geste que l’on peut avoir. Le vectoriel pour ça est super.

TR : Il y a plusieurs logiciels qui permettent de travailler en vectoriel, mais Patrick avait cette envie de travailler avec Harmony qu’il avait déjà pu pratiquer. Et nous, côté studio, nous venions de faire Chien Pourri (NDLR : série produite par Folivari, Dandelooo, Panique! Et Pikkukala Oy), notre premier projet avec Harmony que nous utilisions aussi sur une prestation pour un studio américain. C’était l’occasion de continuer à développer notre pratique de l’outil.

En capitalisant sur l’expérience que vous en aviez acquise ?

TR : Et les développements que l’on a pu faire en interne ou que l’on a demandés à l’équipe de Toon Boom. Donc de continuer à creuser ce sillon avec une solution qui permet de faire une palette de choses très large. Depuis une série comme Chien Pourri, mélange de marionnettes 2D et de dessin, jusqu’au Sommet des Dieux qui est vraiment ce que l’on peut avoir à peu près de plus traditionnel en termes de rendu.

Et Harmony nous a permis de « tricher » un peu par moment pour aller plus vite.

Avec quels types de fonctions par exemple ?

TR : Nils Robin, le directeur d’animation, parle notamment de l’utilisation de pegs qui permettent d’intégrer ensemble des éléments animés séparément auparavant. Le Shift & Trace qui permet le contrôle des volumes, de pouvoir réduire ou agrandir plusieurs éléments en même temps. Harmony est également vraiment efficace pour la colorisation. Ce n’est pas ce qui intéresse le plus les gens qui, généralement, préfèrent dessiner. Mais lorsque l’on a 6000 secondes d’animation à coloriser et que l’on va 1 fois 1/2 plus vite qu’avec un autre logiciel, ça permet justement de passer plus de temps à dessiner.

Pour le film, nous avons fait aussi appel à un freelance, Matthieu Chaptel, pour nous développer un certain nombre d’outils et de scripts, dont certains sont d’ailleurs disponibles en Open Source.

Mais Harmony est tellement riche que l’on n’en voit pas toujours toutes les fonctions. Alors nous continuons, en parallèle, à solliciter Toon Boom.

Une utilisation assez récente en fait.

TR : La genèse de l’aventure Folivari et FOST et de l’équipe actuelle, c’est le premier Ernest et Célestine entre 2009 et 2012, à l’occasion duquel j’ai rencontré Didier qui produisait le film chez Les Armateurs, et Damien qui travaillait dans un autre secteur à l’époque. Une production réalisée par Benjamin Renner avec Vincent Patar et Stéphane Aubier et, pour chef animateur, Patrick Imbert. Dans l’équipe d’animation, il y avait entre autres Julien Chheng.

Et quand nous avons créé Folivari et FOST, notre première production, Le grand méchant renard et autres contes, a été réalisée par Benjamin Renner avec Patrick Imbert. Et la suite d’Ernest et Célestine en série, réalisée par Julien Chheng et Jean Christophe Roger, un moment pressenti pour réaliser Le Sommet des Dieux. Mais passé à la réalisation du nouveau film d’Ernest et Célestine, le voyage en Charabie, qui est en cours de production.

Nous avons tous entre 35 et 45 ans, vraiment la génération Flash en France. Alors que Toon Boom était déjà très implanté dans d’autres pays avec ses logiciels. Mais quand il a fallu que l’on fabrique Chien Pourri en 2018, les problématiques étaient vraiment différentes de ce que l’on avait pu avoir à gérer jusque-là. Nous avons alors opté pour Harmony, vraiment bien adapté au dessin animé.

Nous continuons à utiliser d’autres logiciels pour pouvoir répondre aux attentes de nos différents clients, mais nous faisons maintenant du développement et nous avons même embauché en interne un directeur technique, Clément Gendron, pour optimiser encore notamment notre utilisation d’Harmony.

Avant d’adopter définitivement cette solution pour Le Sommet des Dieux, vous avez, au tout début, fait des tests en 3D.

TR : Nous avons effectivement fait des tests chez Mac Guff et chez Cube, et à chaque fois ce n’était pas vraiment concluant.

DB : Pas à cause du travail de ces deux très bons studios, mais nous voulions en fait vraiment faire un film avec un rendu 2D pour rester au plus près de l’œuvre de Taniguchi.

TR : Oui, tout en se demandant s’il était vraiment possible de faire ce que l’on voulait en animation traditionnelle. Mais que ce soit en termes de rendu, d’animation et même finalement en termes de workflow et de budget, on ne s’y retrouvait pas en intégrant de la 3D que l’on aurait dû redessiner en partie en 2D.

Qu’est-ce qui vous faisait douter de parvenir au résultat que vous souhaitiez en 2D ?

TR : Ce que l’on voulait faire c’était une animation réaliste. Avec une dimension très graphique et beaucoup de personnages. Même si nous n’avions pas encore tout le scénario, nous savions qu’on allait passer par pas mal de séquences assez techniques, avec énormément de props manipulés par les personnages dans des configurations assez compliquées. Beaucoup d’éléments atmosphériques aussi liés à la haute montagne. On se retrouvait un peu face à l’inconnu, sachant qu’au niveau d’exigence que demande un long métrage, il n’y avait pas vraiment de précédent produit en Europe. Nous n’avions pas de référence. Ce qui a été fait en France sur Last Man (NDLR : une production Every Body on Deck et Je suis bien content) s’en rapproche, mais c’est une série. Avec beaucoup de raccourcis, de simplifications. Notre défi était de produire une œuvre pour le grand écran avec une narration cinématographique et, par nos expériences passées, nous savions que cela allait être dur.
Les Japonais maitrisent beaucoup mieux ce style d’animation et produisent des films qui sont des références dans le monde entier. Mais même eux en fait, n’en font pas plus d’un par an.

Cependant, si l’animation 2D c’est effectivement de la technique, nous sommes convaincus que c’est surtout beaucoup de talents réunis pour y arriver. Et aujourd’hui nous avons fini les décors, fini l’animation. Ça n’aura pas été facile mais on est très contents du résultat.

Les textures, les couleurs sont remarquables

DB : Il y a un effet très 35mm, avec un peu de grain.

TR : Nous avons dû trouver un équilibre entre le réalisme et une dimension graphique porteuse de sens, d’émotions. Le travail fait par David Coquard-Dassault sur la couleur des décors aussi, a vraiment était super. Après il a fallu travailler pour garder ce niveau dans un process industriel de production. C’est un gros boulot mais je pense que le résultat est très réussi.

Comment avez-vous travaillé la crédibilité dans la représentation de cet univers très technique de l’alpinisme, tout en créant des images « animables » ?

DB : Nous avons eu la chance de bénéficier de la collaboration amicale de Charlie Van Der Elst du Club Alpin Français, qui se trouve à quelques rues de notre studio. Il a notamment vérifié les dessins de matériels. Et nous avons également rencontré un jeune alpiniste, Vincent Vachette, qui a atteint le sommet de l’Everest en 2016 et est venu échanger avec l’équipe sur cette expérience hors du commun.

Et toujours dans un souci de crédibilité, nous avons fait appel à des consultants japonais pour nous conseiller sur tous les éléments écrits du film : panneaux, affiches, logos présents dans les années 80, période à laquelle l’action se déroule.

Nous ne l’avons pas encore évoqué, mais comment êtes-vous arrivés sur ce projet ?

DB : Jean Charles Ostorero, le fondateur de Julianne Films, habite à Romans-sur-Isère, au pied du Vercors, et c’est un fou de montagne. C’est lui qui connaissait et c’était mis en tête d’adapter l’œuvre de Taniguchi. Lorsqu’il en a parlé, au début des années 2010, à Patrick Eveno, à ce moment-là Directeur du Festival international du film d’animation d’Annecy, Patrick lui a répondu qu’il n’y avait qu’un mec sur Terre qui pouvait l’aider à faire ce projet, Didier Brunner, à cette époque chez les Armateurs. En 2012-2013 Patrick nous a mis en relation. Puis, nous nous sommes revus en 2014 à Paris et nous avons décidé de prendre les droits d’adaptation dès 2015. On peut dire que Patrick est un peu le parrain de tout ça.

Nous faisions à ce moment-là Le grand méchant renard et Ernest et Célestine : la collection, et nous avons demandé à quelques artistes de faire un peu de développement sur le projet pour pouvoir le présenter. Alexis Liddell par exemple, a beaucoup travaillé dessus pendant quelques semaines.

C’est cette présentation que j’ai vu au Cartoon Movie ?

DB : C’est ça, en 2015. Une présentation d’ailleurs graphiquement assez proche des albums de Taniguchi, en noir et blanc, quelque chose d’assez simple.

D’autres sociétés de production avaient été approchées ?

DB : Oui. Il y a d’autres personnes qui savent faire du long métrage. Mais je pense que dans ce timing, portée par la volonté et l’expérience de Didier et de ceux qui étaient aux premières heures de Folivari, c’était l’équipe armée pour faire un projet pareil.

Jirô Taniguchi est mort malheureusement avant d’avoir pu voir le film. Mais il intervient dans le making of que vous aviez préparé dans le cadre du festival d’Annecy 2020, et dit avoir beaucoup d’espoir pour cette adaptation. Avez-vous travaillé avec lui ou pas du tout ?

PI : Non, parce que d’une part, il laissait faire les gens, et d’autre part, par ce qu’il était au Japon.
Je n’en ai pas parlé avec lui mais, étant lui-même adaptateur de certaines œuvres (NDLR : dont Le Sommet des Dieux adapté du roman de Baku Yumemakura), je pense qu’il savait que celui qui adapte a besoin de travailler sa matière presque indépendamment de celui qui l’a créée. L’adaptateur est aussi un créateur et il le laissait faire. Il n’y a pas eu de véto de sa part que ce soit en termes graphiques ou de scénario.

TR : L’important est qu’un film soit avant tout un bon film avant d’être une adaptation. C’était un bon point de départ sur lequel nous étions tous d’accord. Nous avons gardé avec lui, puis avec ses héritiers, des échanges pour que le résultat ne devienne pas pour eux une surprise désagréable.

DB : C’est d’autant plus déchirant qu’il était effectivement très content de ce qu’on lui avait proposé quand nous l’avons sollicité pour le Cartoon Movie 2015 . Éditorialement, et sur le choix des producteurs ou de la réalisation. Je crois qu’il serait heureux et fier du travail effectué.
J’aurais bien aimé qu’il voit le film et qu’il me dise « c’est bien » (sourires).

PI : D’autant que même s’il y a parfois des libertés prises par rapport à ce qu’il a fait, en filigrane, on retrouve un ton et une manière de faire des choix et de voir les choses, notamment les relations entre les personnages, qui sont quand même de lui. Et pas que dans Le Sommet des Dieux.

Dans son travail en général ?

PI : Oui, dans son œuvre en général. Qui font partie des choses qui m’ont influencé, même en dehors de ce travail d’adaptation là d’ailleurs.

DB : Il y a un grand héritage vraiment bien orchestré par Patrick dans le film, c’est la pudeur des sentiments qui est assez présente dans le livre, 1 500 pages quand même ! Et cette pudeur dessinée, racontée, fonctionne vraiment bien je trouve. On est dans l’essence des rapports humains un peu à la japonaise.

Certains disent que son œuvre fait penser au cinéma d’Ozu ? Est-ce que c’est aussi une source d’inspiration ?

PI : Je ne suis pas un très grand connaisseur d’Ozu, mais c’est effectivement quelque chose qui me touche énormément, et que l’on retrouve aussi chez Takahata que je connais mieux.
Mais ça n’est qu’une part du travail de Taniguchi. En fait c’est la part qu’on connaissait en Europe jusqu’à récemment, jusqu’à ce que ses œuvres, on va dire plus variées, soient éditées. En fait il a donné dans tous les genres. Donc il y a une part intimiste, très japonaise qui en effet est en lien avec Ozu, un rythme aussi. Et puis, il a fait des BD sur des catcheurs, des westerns…  En réalité, Taniguchi, c’est plein de choses différentes.

Très attendu en France, le film l’est aussi à l’international, et notamment au Japon ?

DB : Wild Bunch, le distributeur international a effectivement des pistes en Asie, au Japon, mais aussi en Chine et en Corée. C’est un film assez attendu par les distributeurs un peu partout dans le monde.

Est-ce que Le Sommet des Dieux marque une étape importante dans le parcours de FOST ?

TR : Je ne pense pas que nos films d’animation précédents étaient des petits films. Et nous avons eu la chance qu’ils marchent plutôt pas mal d’ailleurs. Mais là, avec Le Sommet des Dieux, nous avons un budget plus important, dans les 10 millions d’euros. C’est un film très audacieux et nous avons très envie de poursuivre dans cette veine-là.
Nous avons déjà d’autres idées, notamment une nouvelle adaptation assez libre. Et l’envie de continuer à faire des films qui, d’une certaine manière, marquent les esprits.

DB : En fait, chaque film je crois marque forcément une société. Thibaut et moi nous inscrivons totalement dans la continuité de ce que Didier, qui fait partie du comité de FOST comme nous faisons partie de celui de Folivari tout en travaillant pour d’autres partenaires, avait défendu aux Armateurs. L’envie, tout simplement, de faire des films.

Avec une ambition particulière en termes de rythme de production ?

DB : Avoir un film en développement chaque année, et tous les an et demi – deux ans, en sortir un et deux séries. Et je touche du bois, durant nos 7 premières années d’existence, nous avons à peu près toujours réussi à garder ce rythme.