Les Filles de Dad : quand Dupuis Edition et Audiovisuel donne le rythme à la Sitcom familiale pour enfants

Interview réalisé par Veronique Dumon pour le compte de la société Toon Boom.

Dupuis Edition et Audiovisuel (groupe Média Participations) développe actuellement pour M6 Les Filles de Dad, d’après la BD de Nob éditée par Dupuis, traduite en 7 langues et déjà vendue à plus de 560 000 exemplaires dans sa version française.

Coproduite avec Belvision (Belgique), cette sitcom contemporaine, mouvementée et tendre sur la vie de famille, s’est classée dans le Top 5 des pitchs les plus suivis du Cartoon Forum où elle était présentée en septembre dernier.

La série est fabriquée en 2D sous Harmony entre la France et la Belgique dans trois studios : Ellipse Studio à Paris, MadLab à Roubaix et DreamWall à Marcinelle.

Regards croisés sur cette adaptation prometteuse avec Daniel Klein, son réalisateur, et Alexandre Coste, Directeur de l’animation 2D chez Ellipse Studio et enseignant sur Harmony en école d’animation.

Comment êtes-vous arrivés tous les deux sur ce projet, votre première collaboration commune ?

Daniel Klein : J’avais déjà travaillé avec Arthur (NDLR : Arthur Colignon), devenu producteur chez Ellipsanime, à Zodiak Kids. Une belle énergie passait et Arthur qui aime bien créer des nouvelles collaborations, m’a proposé de travailler avec Alex sur Dad pour qu’il m’aide sur toute la partie technique. En particulier, à la mise en œuvre sur Harmony des idées que j’avais développées. Alex étant aussi réalisateur (NDLR : Roger et ses Humains pour Dupuis Edition et Audiovisuel, d’après la BD du YouTuber Cyprien. Ou Akissi, Spécial d’animation pour France Télévisions en production chez Ellispanime Productions, d’après la BD de Marguerite Abouet et Mathieu Sapin éditée chez Gallimard Jeunesse), il comprenait très bien mes besoins et envies. Ce qui est très important, ce sont les équipes, que chacun y trouve sa place et qu’on trouve ensemble les meilleures solutions.

Chacun apprend de l’autre et c’est intéressant pour les projets à venir.

Quand avez-vous commencé à travailler sur le projet ?

DK : Arthur m’a parlé du projet en mars 2020, alors qu’il était depuis longtemps en développement sans que le résultat soit suffisamment satisfaisant. On m’a fait venir pour vraiment changer le projet, lui donner un aspect un peu plus contemporain. Pour moi, l’idée était vraiment de m’adapter au médium de l’animation actuelle : plus cartoon au niveau du style d’animation, au niveau des dessins, des décors. Nob nous a fait confiance après avoir vu que l’on avait vraiment fait un turnover de ses designs tout en restant cohérent avec son univers. Et que l’on s’était inspiré de Bienvenue chez les Loud (NDLR : série d’animation américaine produite par Nickelodeon Animation Studio avec le studio canadien Jam Filled Entertainment et diffusée en France depuis 2016, sur Nickelodeon, puis sur Gulli) et d’autres séries qui traitent du sujet familial avec humour, dans l’esprit cartoon.

Comment avez-vous abordé concrètement ce travail d’adaptation pour atteindre cet objectif ?

Alexandre Coste :  Je suis arrivé sur le projet un peu avant Daniel, travaillant depuis longtemps avec Arthur sur les développements d’Ellipsanime. Et c’est vrai que le premier développement manquait de choix graphiques suffisamment adaptés à un projet d’animation. J’étais très déçu parce que je voyais des designs qui collaient parfaitement à la BD mais, s’ils fonctionnaient très bien sur le papier, ne marchaient pas en animation.

Un teaser était sorti un an auparavant, mais je n’aimais pas du tout ce qu’on avait fait. Quand Daniel est arrivé, il a travaillé avec David François qui est un bon designer. On reconnaît parfaitement les personnages mais avec un style graphique complètement différent et c’est pour moi ce qui place ce projet dans l’air du temps.

On est dans un chara design très moderne et quand on va sur Instagram qu’on regarde ce qui se fait en ce moment, on voit qu’on a touché dans le 1000. L’adaptation est très réussie.

DK : Car la question est aussi : qu’est-ce que le graphisme nous permet de faire ?

Il nous fallait un graphisme qui nous permet d’être expressif.  On ne raconte plus les histoires aujourd’hui à la même vitesse qu’il y a quelques années. Les enfants sont habitués à un rythme un peu plus rapide et les dessins animés ont gagné en rapidité au niveau de la narration et de l’animation. On recherche une certaine efficacité et on va à l’essentiel.

AC :  Avant d’être réalisateur, j’étais animateur et superviseur d’anim. Quand on fait de l’animation, on travaille en silhouette, c’est à dire que même si le personnage est une simple forme entièrement noire, il faut que l’on comprenne ce qu’il fait. On doit déjà pouvoir lui reconnaitre un charisme. Ensuite, le fait d’épurer le personnage, de ne pas rajouter plein de traits dessus, permet d’aller directement à l’essentiel lorsque l’on va l’animer comme dit Daniel. On obtiendra des posing très forts en ayant la possibilité de se concentrer sur le regard, la bouche, les mains.  En tant qu’animateur, j’aime bien qu’on fasse attention aux mains parce c’est aussi très expressif. Ces trois petits éléments sont hyper importants.

On ne surcharge pas les personnages de détails mais on n’est pas non plus sur un bonhomme juste au contour. Par exemple, les cheveux sont hyper travaillés chez les filles.

Mais on a vraiment beaucoup gagné en souplesse de travail.

J’ai pu voir le teaser de la série au Cartoon Forum, où le projet était donc présenté en septembre, et c'est effectivement très convaincant.

AC : C’est mon équipe de Roger et ses humains qui l’a fait et qui fait aussi Akissi. Trois styles graphiques complètement différents, mais avec le même principe de pauses-clés très graphiques, très poussées.  Ce design-là permet des choses très expressives, c’est vraiment très agréable de bosser avec les personnages.

DK : La difficulté d’adaptation était dans le fait de trouver un équilibre entre des personnages épurés et la notion d’espace dans les décors, de perspective qui existe dans la BD.

On ne pouvait pas être plat comme dans Roger et ses humains. Il fallait que tout ça fonctionne ensemble par rapport à la mise en scène. Je pense que pour moi, c’était ça le plus compliqué à gérer. Et nous sommes en train de l’ajuster avec l’arrivée des premières anims.

AC : En animation, on a souvent des contraintes de budget, de temps, et cetera. Dans une BD on peut aller dans n’importe quel axe de caméra alors que l’on va avoir toujours à peu près les mêmes cadrages. Mais pour Dad, tu en as quand même pas mal, c’est plutôt chouette.

DK : Oui, c’est bien.

AC : Contrairement à Roger et ces humains ou, comme dans les sitcom prise de vue réelle Caméra Café ou Un gars, une fille, la caméra ne bouge presque pas pendant tout l’épisode, un parti pris lié à l’économie de la série.  Dans Dad, on a quand même beaucoup de décors et c’est très agréable, très bien pensé.  C’est vrai que la BD en compte beaucoup, mais on ne sent pas du tout la différence alors qu’il y en a clairement moins.

Vous avez opté pour un format sitcom, c'est le principe de la série, mais il n’y a pas d’unité de lieu.

DK : On les voit essentiellement chez eux mais il y a aussi quelque shots à l’extérieur.

Et par rapport à la BD, on a ajouté des projections. Les personnages peuvent se projeter dans des espaces imaginaires.

Une manière de matérialiser les pensées des filles ou de Dad ?

DK : Non, c’est plutôt lié aux gags. C’est la différence entre la réalité et ce que le personnage imagine.

AC : C’est un truc très graphique et c’est très dynamique dans la mise en scène à chaque fois qu’intervient ce genre de proposition.

DK : C’est très axé sur le cut. On travaille vraiment sur le rythme, sans forcément multiplier le nombre d’angles mais en jouant sur les éléments qui arrivent et qui disparaissent. C’est aussi ça que l’on entend par efficacité : faire le choix fort de travailler plus sur des cuts que sur des fondus ou des superpositions que l’on utilisait il y a pas mal d’années.

AC : C’est vrai que la mise en scène aujourd’hui a beaucoup changé. Quand je regarde des vieux films, les plans sont très longs, il y a des fondus…

Aujourd’hui, on va avoir des plans de plus en plus courts, on va être très cut. Mais on le voit dans notre manière de fonctionner aujourd’hui notamment avec le téléphone portable. On fait tout très vite pour gagner du temps et ça se ressent aussi dans la mise en scène des films actuels. Et on se rend compte que sans ce rythme, on peut vite s’ennuyer.

Mais je suppose qu’il y a un équilibre à trouver pour qu’on l’on ne tombe pas dans une frénésie d'images, non ?

AC : Bien sûr, l’idée n’est pas que ça devienne stroboscopique. Mais pour ce projet, le cut marche très bien.

DK : Quand je parle de rythme, c’est exactement ça. On ne peut pas savoir si une scène est longue s’il n’y a pas une scène courte avant. L’une dépend totalement de l’autre. C’est sur ça que l’on travaille.

En lisant le dossier de présentation de la série, on comprend qu’il y a aussi des vrais moments de tendresse entre les personnages. Ils sont tous très différents les uns des autres, avec leurs propres activités et Dad court un peu partout pour arriver à suivre le rythme de ses filles. Mais il y a aussi des moments où l’on sent l’unité de cette famille.

DK : Ce qui est très bien sur Dad, c’est le côté émotion bien sûr, qui permet de casser le rythme. Je voulais aussi être près des personnages, près des émotions et nous avons travaillé dans ce sens avec les comédiens et les comédiennes. Ce ne sont pour l’instant que des voix témoins mais qui sont déjà très réussies.

Ce qui fait que l’on est proche des personnages émotionnellement mais que l’on peut aussi rire d’eux, parce qu’ils vivent des situations rocambolesques.

Ce pauvre Dad a effectivement l'air un peu dépassé par moments…

AC : Oui et ces moments d’émotion sont super importants. Avec certaines séries qui sont tout le temps très speed, où il n’y a aucun moment de pause, regarder plusieurs épisodes d’affilée est compliqué. Avec la mise en scène de Dad, ces temps plus calmes permettent de reprendre son souffle pour repartir sur un rythme rapide et c’est ça qui devient très agréable.

Avec Les filles de Dad, l’ambition est de faire un portrait de famille du point de vue des filles, contrairement à la BD qui se place plutôt du point de vue du père. C’est une série jeunesse mais, me semble-t-il, les parents peuvent avoir envie de regarder avec leurs enfants.

DK : Oui, ce que j’ai trouvé très chouette dans la BD de Nob, c’est que les filles ont des âges très différents mais sont presque finalement un seul personnage à tous ces âges justement. Et elle offre la possibilité aux parents de voir leurs enfants à différents stades de leur vie. Je trouve que c’est une très belle proposition.

Dans chaque épisode on voit tous les personnages, mais l’un d’eux se détache un tout petit peu. Quel que soit son âge, l’enfant qui regarde peut se projeter dans un personnage plus grand ou se retrouver dans un plus petit que lui. C’est extrêmement intéressant.

Pour en revenir à la technique, vous qui avez découvert le travail avec Harmony sur ce projet Daniel, alors que vous utilisez depuis longtemps Storyboard Pro, qu’est-ce qui vous a séduit, dans ce soft ?

DK : Dès les premières discussions avec Alex, notre premier critère était de pouvoir travailler sur un outil souple. C’est extrêmement important.

J’avais réalisé une série en 3D avant (NDLR : la saison 2 de Paf le chien chez Superprod), mais sans aucune souplesse technique !

Or, quand on est réalisateur, on est amené à prendre des décisions à un moment où l’on n’a pas forcément tous les éléments pour le faire. Nous avons donc échangé avec Alex sur les possibilités qu’un logiciel d’animation 2D comme Harmony nous laisserait en termes de souplesse d’intervention pendant la production.

 

AC : Ce qui est super désagréable quand on réalise, c’est quand nos graphistes ou même nos chef.fes de poste nous disent « ah non mais ça, ça va pas être possible, on ne va pas pouvoir exécuter ta demande ». Comme je suis réalisateur moi-même, je connais leurs besoins et je sais aussi ce qui nous saoule quand on est à ce poste-là. Sur Dad, c’est très clair, je n’ai pas ce rôle, mais en tant que conseiller, j’ai pu dire plusieurs fois à Daniel « ne t’inquiète pas, il n’y a pas de souci, on peut le faire avec Harmony ! ».

Sur Harmony, il y a des options qui ne sont pas présentes sur d’autres logiciels. Le deformer qui permet donc de déformer des objets, par exemple, c’est super. Ou la manière de faire un build. Avec Dad, on est dans une série semi cut-out : toutes nos pauses clés sont redessinées mais on est aussi dans du pantin qui permet le cut-out.

On va juste intervaller entre les pauses clés et du coup, ça bouge super bien. Tout en supprimant le travail long et fastidieux qui consiste à tout redessiner.

Et ce temps gagné permet d’économiser du coût horaire animateur…

AC : C’est ça. J’essaie toujours de le démontrer en disant aux producteurs : « en tant qu’animateur je coûte combien la journée ? Combien de temps je mets pour faire cette action ? Combien coûte ton logiciel ? Disons qu’Harmony coûte un peu plus cher par mois, mais combien de temps ton graphiste perd dans la journée en comparaison avec un autre logiciel ? » Le calcul est très simple et la différence est minime à la fin. Mais trop peu le comprennent.

On me dit aussi parfois « on n’a personne pour former les graphistes ». Je réponds que je peux former les gens à leur tâche.  On n’a pas besoin de tout connaître pour faire un projet donné. Et il y a des similitudes entre les logiciels. Mais j’ai aussi constaté qu’on rencontre une réticence à se former.

Tu n’as pas hésité à apprendre à utiliser Harmony toi, Daniel (rires) !

DK : Moi j’aime bien les défis. J’aime apprendre à utiliser de nouveaux outils que j’adapte après à mes besoins. Je pense aussi que la clé est dans la formation. Parce qu’au moment des recrutements, mon choix peut être limité par le manque de formation des graphistes et c’est dommage.

Pour moi par exemple, le lancement de Storyboard Pro par Toon Boom, c’était une comme une révolution ! J’ai appris l’animation sur feuille et ça m’a embêté à un point… Alors quand les logiciels sont arrivés, c’était le bonheur !

AC : Avec des interfaces qui permettent de regarder son animation en temps réel.

DK : Tout ça a changé ma vie et je pense que ça m’a aidé à devenir réalisateur. Parce que je me suis approprié les outils que j’ai soumis à mon envie de réaliser et ça m’a fait évoluer. Il faut grandir aussi avec la technologie.

L’évolution technologique dans ce secteur a effectivement été radicale en quelques années. Et ce n’est pas terminé.

AC : Oui et de nouvelles versions des logiciels sortent chaque année. J’ai fait récemment une formation de mise à niveau sur Harmony avec une collaboratrice de Toon Boom qui m’a montré les derniers outils. On ne peut pas rester sur ses acquis et ça me permet de pouvoir répondre aux attentes de Daniel par exemple ou d’autres réalisateur.ices. Et c’est bien sûr hyper important pour mon propre travail.

Au sein d’Ellipsanime, il y a aussi un service de R&D qui peut écrire des scripts pour développer des petites options et répondre à un besoin spécifique du projet.

 

Je connais très bien Harmony que j’utilise depuis 10-12 ans, mais pas la partie script.  J’aimerais pouvoir m’y pencher, mais je n’ai plus trop le temps. C’est vrai que c’est une des rares parties que je ne connais pas dans Harmony et que je n’enseigne pas.

Mais c’est très intéressant d’avoir cette possibilité.

 

Je sais aussi que quand le logiciel évolue il y a de vraies nouveautés, ce qui n’est pas toujours le cas. Avec d’autres produits, il faut continuer à acheter des plugins en plus des licences pour pouvoir vraiment travailler. Ils n’intègrent pas les plugins développés par les utilisateurs à leurs nouvelles versions. Et ça, les producteurs ne l’anticipent jamais.  Finalement, pour en revenir au coût, Harmony coûte moins cher.

 

DK : C’est important d’avoir un pôle permanent de gens qui travaillent ensemble dans ce domaine au sein des studios parce que l’on a souvent l’impression de tout recommencer à zéro lorsque l’on commence une nouvelle série. Alors que l’on sait faire de l’animation !

AC : Oui et non en fait. Et c’est ce que j’aime bien. On n’aurait pas pu faire Dad comme Roger et ses humainsou Akissi que l’on a enchaînées. J’ai revu le pipe.

Souvent, quand les prod font un budget et un planning, elles pensent pouvoir appliquer ce qui a déjà été fait.  Mais ce ne sont pas du tout les mêmes séries, pas les mêmes contraintes. On n’aura pas les mêmes problématiques ne serait-ce qu’à la mise en scène. Avoir neuf personnages dans une série et vouloir les animer ensemble ne coûte pas la même chose que s’ils sont deux ou trois.

Et c’est pareil avant de rentrer en fabrication. On ne peut pas se lancer sans repenser le processus, même quand il y a des similitudes. Il y a des éléments qui ne bougent pas et des choses qui doivent bouger pour ne pas toujours refaire la même série.

DK : Oui, il ne faut pas juste un développement artistique mais aussi…

DK et AC : …un développement technique en parallèle.

Combien de personnes vont travailler sur le la partie animation de Dad, sur les trois sites où la série sera fabriquée ?

AC : Entre Ellipse et nos prestataires, MadLab et DreamWall, environ une quarantaine de personnes.

Comme il y a une volonté de faire une série avec des posing assez graphiques, on a aussi recruté une key-poseuse chez Ellipse, Nadia Brugnara avec qui j’ai travaillé sur la série Elliot from Earth pour Cartoon Network (NDLR : Elliot le terrien, une coproduction 2021 Cartoon Network Studio Europe, Hanna-Barbera Studios Europe, Miyu Productions, Studio Soi et WildBrain Studios, également fabriquée avec Harmony).

Et aussi Céline Papazian, une ancienne de Disney qui supervise nos deux studios prestataires.

 

DK : C’est vrai que tu parles d’un point qui est important. Souvent aujourd’hui, avec la technicité qui gagne et l’utilisation des logiciels, on a des gens qui animent mais qui ne savent pas forcément dessiner. Et ils se perdent en cours de route.

AC : Ça, c’est le problème du numérique. Et du pantin. Il y a des gens qui vont très bien rythmer les personnages mais pour qui les dessiner va être plus compliqué.

Je ne sais pas si c’est l’enseignement qui m’a apporté ça, mais j’ai remarqué que j’avais des personnes talentueuses en dessin mais qui ne savaient pas faire bouger quoi que ce soit. Et inversement, des personnes qui faisaient bien bouger les objets mais perdaient le modèle. Donc je mets de plus en plus en place une complémentarité du travail, ce que j’ai appliqué sur le teaser de Dad d’ailleurs.

J’ai des personnes qui font du key posing, sans avoir besoin de vraiment connaitre Harmony, en utilisant juste le pinceau. Puis des personnes qui vont cleaner ces pauses-clés dans le pantin, avec un profil donc plus technique. Et ensuite, des personnes moins techniques, qui vont intervaller et faire leur travail d’animateur pantin en bougeant les calques, des formes mais à partir de pauses super bien dessinées, tradi.

Si l’on parle budget, ça nous permet d’avoir des pôles qui coutent plus ou moins cher en fonction des connaissances des graphistes.

Lorsque je faisais moi-même de l’anim, je me disais que je n’avais pas besoin de toute mon expérience pour certaines tâches. Et que mon coût horaire pour les effectuer était plus élevé qu’il ne l’aurait dû.

Je reviens donc petit à petit à la division du travail que l’on connaissait avant et je trouve que l’on y gagne. Et on peut faire travailler plus de monde sur Harmony en fait.

Quand on a fait la saison 1 de Roger, j’avais des amis proches qui ne savaient pas l’utiliser. Je leur montrais et en une heure, ils étaient à l’aise parce qu’ils ne faisaient que du brush.

Mais est-ce que ce fractionnement du travail satisfait les animateur.ices ?

AC : Oui, il.les se sentent plus à l’aise, plus efficaces. Et pour le pôle de clean, je peux prendre des juniors, à la sortie de l’école où j’ai enseigné Harmony en fait (NDLR : Créapole), il.les savent ce que je souhaite.

Quand j’ai démarré il y a onze ans, j’ai eu beaucoup de mal à rentrer dans un studio. C’est plus facile pour eux.elles. Et quand on se met à cleaner des beaux dessins et qu’on voit les codes graphiques, on apprend.

Quand il.les connaissent Harmony il.les sont capables de faire plus de choses qu’en connaissant d’autres logiciels.

Du coup, j’ai des juniors qui se mettent rapidement à faire du key-posing ou du Inbetween.

DK : Je voudrais rajouter que l’intérêt aussi de la suite Toon Boom, c’est de pouvoir travailler sur un projet du début à la fin, sans avoir de problème de format. Ça rejoint ce que disait Alex. Tu formes des gens à des tâches différentes, mais tout le monde travaille dans un même environnement et c’est un vrai confort.

AC : La passerelle Storyboard Pro et Harmony permet d’exporter l’animatique facilement et de gagner un temps fou. Un.e assistant.e réal qui est dédié.e à chaque animatique le fait en un clic et glissé, toute les scènes sont préparées. On n’a plus qu’à mettre le personnage dedans et on peut bosser. C’est une fonction géniale.

L’animation, le build, le compo, tout est dans Harmony.

DK : C’est exactement cette souplesse dont on parlait au début. Cela permet de revenir sur quelque chose que l’on n’avait pas pu décider au départ, qui ne convient finalement pas mais que l’on peut refaire à cette étape.

AC : C’est toujours cette phrase que l’on entend « on verra ça au compo ». Mais la personne au compo reçoit une image écrasée et elle ne peut rien faire. Alors qu’avec Harmony, l’image a encore toutes ses couches et on peut réintervenir sur l’animation. C’est très pratique. D’autant que les ordinateurs sont de plus en plus puissants et que Toon Boom travaille à alléger encore plus les images !