Caribara Animation : rencontre avec un studio pionnier de l’utilisation des logiciels Toon Boom en France

Interview réalisé par Veronique Dumon pour le compte de la société Toon Boom.

En 20 ans, l’équipe du studio français Caribara Animation, aux côtés de nombreux autres studios dans le monde, a contribué, grâce à son expertise sur de nombreuses productions, à transformer les logiciels Toon Boom pour en faire ce qu’ils sont aujourd’hui.

Créé en 1998 par Fabien Baboz, Régis Vidal et Philippe Gerardin, Caribara est aujourd’hui présent dans 3 pays avec 5 studios à Paris, Annecy, Angoulême, Liège et Montréal.

Rencontre avec Charlotte Monsarrat, Directrice commerciale et productrice, et Florian Thouret, associé, Directeur artistique et réalisateur (NDLR : il co-réalise actuellement la série Tobie Lolness, produite par Tant Mieux Prod pour France Télévisions, d’après le livre de Timothée de Fombelle).

Toon Boom : Charlotte, tu veux bien nous présenter Caribara Animation en quelques mots ?

Charlotte Monsarrat : Caribara est un studio de fabrication créé il y a 22 ans. Nous faisons essentiellement de la prestation même si nous sommes aussi producteur. Nous sommes actuellement basés sur cinq sites : à Paris depuis 1998, à Annecy depuis 2008, plus récemment à Liège et à Montréal, et nous avons ouvert en 2021 notre nouvelle antenne à Angoulême. En 2020, nous nous sommes également lancés dans la 3D temps réel avec la création de Studio Manette à Lyon en partenariat avec Plip! Animation.

Cette organisation en multi sites nous permet de proposer aux producteurs des solutions de financement sur mesure tout en leur garantissant un seul et même interlocuteur référent. C’est sur ce principe du one-stop shop que Fabien Baboz et l’équipe ont développé la société.

Le pipeline Toon Boom a été déployé au fur et à mesure dans tous ces studios.

Toon Boom : comment la collaboration avec Toon Boom a-t-elle commencé pour le studio ?

Florian Thouret : Je suis arrivé en 2005 chez Caribara sur la série Foot 2 Rue (NDLR : une production Télé Images Kids). L’animation était faite en Asie, où Toon Boom était bien implanté avec ses différents logiciels, et le compositing était fait chez Caribara. En tant que prestataire de services, on essaie d’avoir un pipeline cohérent, c’est notre cheval de bataille pour pouvoir, en résumé, mettre l’argent dans l’artistique et non pas dans la technique. On s’est donc pluggé au pipeline existant et on a commencé à travailler sur le logiciel Toon Boom appelé à l’époque US Animation, la version avant Opus et Harmony que l’on connaît aujourd’hui et qui en est à la version 21.

Toon Boom : Ces logiciels ne t’avaient pas été enseignés, tu as dû tout apprendre « sur le tas » ?

FT : Oui, c’est un peu un coup de poker de Fabien (NDRL : Fabien Baboz, cofondateur de Caribara) et il a bien fait (rires) ! J’ai d’abord réalisé deux boulots pour le studio, mais sur un autre logiciel, puis les deux spéciaux de Foot 2 Rue sont arrivés, l’équivalent de 52’ d’animation. Comme il a vu que je me débrouillais, que la technique ne me faisait pas peur – ce n’est pas ma formation initiale mais j’aime comprendre comment les logiciels, quels qu’ils soient, fonctionnent – et que les deux filles du compositing de la saison 1 n’étaient plus disponibles, Fabien m’a proposé de tenter. Il m’a collé dans les mains, pendant une semaine, l’énorme manuel d’utilisation d’US Animation. J’ai fait des plans, des tests et, au bout de huit jours, j’étais « opérationnel ». Je ne dis pas que j’allais super vite, mais j’ai réussi à effectuer le travail.

CM: On aime beaucoup cette histoire chez Caribara !

Toon Boom : De quoi rentrer dans l’histoire de Toon Boom !

FT : Je ne sais pas (sourire), mais après, nous avons eu d’autres contrats. D’autant que Toon Boom avait sorti entre temps Opus, beaucoup plus « user friendly ». J’ai été amené à superviser le compositing d’une autre série, Kung Foot (NDLR : Une production Label Anim), donc 10h d’animation. Mais avant, j’ai demandé à Fabien une formation pour mieux appréhender le logiciel qui avait subi un gros upgrade. Il m’a donc envoyé à Montréal en 2006 où j’ai été formé pendant une semaine par Steve Masson (NDLR : un des membres de l’équipe qui développa US Animation, l’ancêtre de l’Harmony actuel).

Autant dire qu’elle n’a rien à voir aujourd’hui avec ce que nous avons été les tous premiers en France à utiliser, puisque c’était autrement plus technique et qu’il fallait taper des lignes de code pour faire des effets.

Toon Boom : tu sortais juste de l’école lorsque tu as intégré l’équipe de Caribara. Quelle est ta formation lorsque tu arrives dans le studio ?

FT : En fait, lors de mon premier boulot pour Caribara, j’étais encore à l’école, en section Animation à L’Ecole Emile Cohl à Lyon, promo 2005. J’avais terminé mon diplôme avec un peu d’avance, j’ai donc commencé à travailler pour eux sur une pige, en apprenant le logiciel à la base.

Puis j’ai suivi, et Caribara avec moi, toutes les évolutions, en accompagnant le logiciel jusqu’à aujourd’hui. Notre principal pipeline est en effet conçu sur la suite Toon Boom qui va de Storyboard Pro à Harmony.

Toon Boom : Vous utilisez en effet la suite complète.

CM : Oui. Nous utilisons Harmony mais aussi Storyboard Pro qui est l’un des logiciels les plus efficaces pour faire du storyboard. Il n’est pas obligatoire de rester sur la suite Toon Boom, mais nous préconisons à nos clients de passer ensuite sur Harmony. A part si le réalisateur et l’équipe artistique sont fortement imprégnés par un autre logiciel et ne souhaitent pas en changer

Les meilleures productions sur lesquelles nous ayons travaillé avec Harmony étaient celles où les réalisateur.ices et les chef.fes de postes étaient convaincu.es de l’efficacité du soft.

On propose donc toujours de le présenter aux professionnel.les qui nous contactent et qui ne le connaissent pas. C’est notamment quelque chose que l’on demande à Matthieu (NDRL : Matthieu Sarazin, représentant Toon Boom en France) en démarrage de production pour les aider à choisir.  On ne va évidemment pas les forcer, mais on leur présente tout le panel de solutions qu’offre Harmony.

Je ne parle là que d’Harmony car je n’ai jamais rencontré un réalisateur ou une réalisatrice qui nous ait dit qu’il ne voulait pas travailler sur Storyboard Pro, devenu la référence.

Tobie Lolness – Production: Tant Mieux Production

Toon Boom : Qu’apporte cette solution à votre travail ?

CM : Une augmentation de la qualité de l’animation. Prenons l’exemple des séries sur lesquelles nous travaillons principalement en animation cut-out. (NDLR : Caribara travaille aussi sur des longs métrages et a notamment fabriqué Le magasin des suicides de Patrice Leconte -production franco-belgo-canadienne, Diabolo Films, La Petite Reine- Reine Sales, Entre chien et Loup, Caramel Films, RTBF sortie en 2012-, le premier long métrage utilisant des puppets animation cut-out réalisé en France sous Harmony).

Nous utilisons toutes les fonctionnalités des puppets et du rig qui nous permettent de maintenir les quotas tout en montant la qualité. Ce que l’on a observé au fur et à mesure des années, c’est un gain dans la fluidité des mouvements, au niveau du visage notamment, une facilité au niveau des interpolations. C’est donc une solution que l’on préconise particulièrement à nos clients quand ils ont des animations dans lesquelles il y a beaucoup de déformations, une petite impression en 3D au niveau du visage ou la nécessité de mouvements fluides.

Avec Harmony, on se rapproche d’ailleurs de l’esprit 3D. C’est-à-dire que la préproduction, un temps important dans le processus, permet d’être mieux préparé qu’avant, en particulier sur les design. Les design et la box anim, en prévision du compositing, sont les deux gros postes qui ont subi le plus gros impact par ce pipeline intégré.

Ce qui est intéressant également, c’est que nous avons rajouté dans nos devis une étape après les designs qui est celle de la vectorisation, assez lourde. Et c’est souvent un sujet de discussion avec nos clients pour savoir qui doit la réaliser.

Toon Boom : En tant que prestataire, vous récupérez souvent la préproduction faite par leurs équipes.

CM : Oui, et c’est la raison pour laquelle nous demandons à nos clients de travailler sur Harmony beaucoup plus tôt qu’avant. Ils nous livrent les fichiers des personnages, des props et des VFX dont nous vérifions tous les éléments pour qu’ils soient techniquement conformes à notre pipeline. Une condition sine qua non pour que le reste de la production soit fluide.

Les frontières sont devenues beaucoup plus floues entre le design et le rig. Et quand nous commençons une production et que le style graphique s’y prête, nous proposons, à nos frais, une formation pour les designers de nos clients qui ne sont pas encore formés sur Harmony.
Nous avons commencé cette démarche sur la série Ollie & Moon de Cottonwood Media pour laquelle nous avons formé Suy-Heng Mao. Nous avons ensuite fortement suggéré à tous nos clients de former leurs designers sur Harmony. On pourrait quasiment dire que maintenant, le design des personnages et des props est aussi intégré dans le pipeline de Toon Boom. Ce qui est vraiment nouveau.

Toon Boom : Nous évoquions tout à l’heure les évolutions des logiciels Toon Boom et j’ai cru comprendre que vous y aviez contribué au fil de vos missions de prestation et de vos productions. Vous êtes en constante relation avec l’équipe de Toon Boom ?

CM : Je vais répondre un grand oui, mais c’est Florian qui va pouvoir en parler. C’est lui l’artisan de tout ça avec Toon Boom. C’est un échange systématique depuis le début sur toutes nos productions.

FT : A la différence d’autres sociétés d’édition de logiciels que l’on utilise également, Toon Boom est vraiment un partenaire. On travaille ensemble, main dans la main. Ce qui est totalement inenvisageable avec d’autres acteurs majeurs du marché. Chez Toon Boom, ils sont à l’écoute des artistes, à l’écoute des studios.

J’ai un exemple très concret. J’ai reçu le matin même de cette interview, de la part de Marc-André (NDLR : Marc-André Bouvier-Pelletier, Product Manager), une nouvelle version du logiciel avec des features que j’ai demandées pour améliorer le pipeline de la prod sur laquelle je travaille actuellement. Ce sont vraiment des échanges qui te tirent vers le haut.

Par notre histoire, nous sommes bêta testeurs sur Harmony et Storyboard Pro. Quand on met en place un pipeline, comme nous travaillons avec environ 200 artistes, évidemment, des problèmes, des idées, on en a beaucoup. Et comme le concept est de garder l’artistique au cœur du projet et de faire régler la technique par les machines, si l’on peut effectuer le travail en un clic au lieu de trois, on le demande.

On peut faire remonter des choses de terrain très spécifiques pour nous faire gagner du temps et augmenter la qualité. En retour, Toon Boom nous répond, soit qu’ils vont s’en occuper pour la prochaine version car ça touche à quelque chose de profond, soit qu’ils peuvent le régler tout de suite en faisant un script. Soit, autre possibilité, qu’ils nous donnent les clés pour que l’on puisse faire faire un script en interne.

Évidemment, cette relation existe avec d’autres car Toon Boom travaille avec énormément et de plus en plus de studios, y compris de gros mastodontes de l’animation parmi lesquels Disney ou Mercury.
Et ce qui est beau dans ce système de collaboration, c’est que chacun bénéficie pendant un temps en exclusivité de ce qu’il demande, mais que toutes les améliorations sont ensuite incluses sur les itérations suivantes du logiciel. Toute la communauté des utilisateurs peut alors en bénéficier également.

Un des exemples les plus connus est le système de Light & Shadow utilisé sur Klaus (NDLR : une production The SPA Studios, Aniventure, Atresmedia Cine) demandé par SPA à la base. Aujourd’hui, nous disposons donc aussi de cet outil.

Toon Boom : Est-ce que tu as d’autres exemples récents de modifications apportées qui te semblent significatives ?

FT : En fait, le logiciel est mature aujourd’hui, on peut faire toutes les prods du monde avec. Notre travail, depuis maintenant 10 ans, est plus de trouver comment huiler ce pipeline pour éviter que ça grippe à un endroit ou un autre, ou nous permettre de sauter une étape. Mais ce sont des ajustements qui représentent énormément pour nous.

Ollie & Moon Saison 2 – Production : Cottonwood Media

Toon Boom : Vous semblez être un des plus gros utilisateurs d’Harmony et Storyboard Pro en France.

CM : Ce qui est intéressant, c’est qu’en tant que prestataire, nous collaborons à énormément de productions différentes. On est amené à utiliser les softwares sur des styles d’animation, des styles graphiques très divers, qui peuvent aller de La Cabane à Histoire (Dandelooo) à Disco Dragon (Mondo TV) en passant par Ollie & Moon que je citais précédemment ou Yellow Yeti (Zodiak Kids Studio France, Gigglebug Entertainment). A chaque fois l’on doit tester et inventer des façons d’obtenir le résultat que souhaitent les producteur.ices et le réalisateur ou la réalisatrice.

Et comme notre métier, à la base, est de fabriquer, pas de développer ou de réfléchir à l’univers éditorial, nous recherchons l’excellence dans la fabrication. Et pour ça, il faut tester. Et donc nous sommes toujours désireux d’être à la pointe de ce qu’il est possible de faire sur Harmony.

En interne, la première personne chargée de cet aspect de notre travail, c’est Florian. Il veille à ce que tout le monde utilise le software de la façon la plus efficace possible.

Et ensuite, sur chacun de nos cinq sites, nous avons des spécialistes, en général che.fe animateur.ice ou superviseur.e d’animation, qui connaissent sur le bout des doigts Harmony et qui continuent à tester les fonctionnalités sur les différentes prods.

A Annecy, on travaille par exemple avec Julien Dehavay et Romain Parizel qui font partie des plus anciens et connaissent très bien le pipeline sous Harmony.

Nous avons en ce moment six ou sept productions en cours avec le logiciel et l’on est tout le temps en train de tester, d’incrémenter, de corriger… grâce à notre équipe technique.

Toon Boom : c’est une des forces de votre organisation ?

CM : Oui, mais notre force, c’est aussi de garder les gens très longtemps. Parce que les artistes étant très mobiles, en particulier à Paris, c’est compliqué de recruter un ou une chef.fe anim à la pointe sur Harmony. A Liège, on a aussi un chef anim, Stéphane Thaler, qui se met aussi à ce soft parce qu’il y a un besoin en local.

C’est aussi pour ça que la relation avec Toon Boom est si fructueuse. Nous avons de vrais échanges. Et c’est un des plaisirs que l’on a à travailler avec eux. Avoir des interlocuteur.ices, que l’on rencontre en festivals ou sur des marchés. Avoir même des relations avec le décisionnaire, c’est très important pour nous parce que c’est un moyen de faire remonter réellement des choses et de ne pas avoir cette frustration de ne parler qu’à Internet.

Et je rajouterai simplement qu’une autre de nos forces est le conseil en amont que nous apportons aux clients pour les aider à la prise de décision et l’accompagnement, tout au long des missions, que nous mettons en place.

La cabane à histoire Saison 3 – Production : Dandeloo et Caribara Production

Toon Boom : La plupart des productions sur lesquelles vous travaillez sont splitées sur vos différents sites. Est-ce qu’Harmony facilite le travail dans cette configuration ?

CM : Evidemment, le fait qu’Harmony fonctionne en serveur rend beaucoup plus facile le partage des éléments d’un studio à l’autre.

Toon Boom : De nouveaux logiciels, des innovations arrivent régulièrement sur le marché de l’animation. Qu’est ce qui, pour toi Florian, distingue la solution Toon Boom ?

FT : Charlotte le disait, on teste en permanence. De la même manière qu’on ne peut pas se permettre d’avoir un seul client, on est obligé de connaître l’ensemble du panel d’outils disponibles. Et on les utilise, c’est une de nos plus-values.

Mais la réalité, c’est qu’actuellement, Toon Boom offre la seule solution qui permet de rentrer la production à un endroit et de la sortir sans jamais quitter l’écosystème. Du moment où l’on prend le stylet pour faire un storyboard jusqu’au moment où l’on clique pour faire l’export du compositing de l’image finale. Or on sait en tant qu’industrie, que les problèmes arrivent dans le pipeline aux points de friction entre les logiciels.

C’est en fait la seule solution de pipeline 2D clé en main.

Deux des récents projets du line up de Caribara Animation sous Harmony

The Unstoppable Yellow Yeti

Format : 50 x 11’
Public : 6-10 ans
Réalisation : Joonas Utti
Production : Gigglebug Entertainment, Zodiak Kids Studio, Walt Disney EMEA Productions
Diffuseur français : Disney France

En cours de fabrication

Synopsis : Finlande. Osmo, 12 ans, et son père quittent la plage pour aller vivre avec leurs cousins éloignés dans la ville excentrique de Winterton, où il neige toute l’année et où les monstres sont strictement interdits. Alors qu’il explore son étrange nouvelle maison avec sa cousine Rita, qui n’a pas froid aux yeux, tous deux se lient d’une amitié improbable avec un yéti jaune d’un mètre quatre-vingt appelé Gustav. Ensemble, les intrépides cousins aident à cacher Gustav à l’oncle d’Osmo qui déteste les monstres…

Moi à ton âge…

Format : 52 x 11’
Public : 6-9 ans
Réalisation : Mathieu Gouriou
Production : Monello Productions, Mobo avec la participation de France Télévisions, RAI
Diffuseur français : France Télévisions

En diffusion sur France 4 depuis novembre 2021

Synopsis : À 10 ans, Paul va à l’école, joue aux jeux vidéo, se chamaille avec sa petite sœur, fait de la trottinette free style… Bref, un enfant tout ce qu’il y a de plus normal ! A un détail près : Dès qu’un adulte lui dit les mots « Moi à ton âge », Paul est aussitôt propulsé à l’époque où son interlocuteur avait lui aussi 10 ans ! Et des occasions d’entendre « Moi à ton âge », il y en a des tas, parce que Paul a une grande famille et des tas d’adultes qui gravitent autour de lui.
Moi à ton âge… c’est 52 voyages de Paul dans les années 1980 de ses parents et les années 1950 de ses grands-parents : quand les téléphones portables n’existaient pas, quand les toilettes étaient au fond du jardin, quand il n’y avait pas encore Internet, etc. bref, pour un garçon du XXIe siècle : la préhistoire !